Sommes-nous prêts à confronter notre condition humaine?

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Le salon funéraire Andrew T. Cleckley Funeral Home à Brooklyn. Credit: Jonah Markowitz, The New York Times.

La dignité des corps, l’ultime repère de notre dignité collective. 

Qu’est-ce qui nous répugne si profondément dans cette histoire de corps trouvés dans un U-Haul devant un salon funéraire de Brooklyn à New York? 

Selon le New York Times, le directeur du salon funéraire a déclaré qu’il avait utilisé les camions pour l’entreposage après avoir manqué d’espace dans sa chapelle. “Des corps nous sortent par les oreilles”, a-t-il déclaré.

Même en pleine pandémie, notre sensibilité humaine exige que tout rentre dans l’ordre social. Que les corps humains soient traités avec pudeur jusqu’à après la mort. On est loin des chars débordants de cadavres qui sillonnaient les rues lors de la Grippe Espagnole de 1918. L’indécence de ces cadavres non-enterrés nous répugne, nous rappelle le chaos qui n’est jamais très loin.

Jamais très loin… mais que nous avons réussi à éloigner de mieux en mieux. Depuis la fin des Grandes Guerres, notre civilization s’est hissé au-dessus des tranchées boueuses de la guerre, des usines sombres de la révolution industrielle, des mines de charbon où l’on enfouissait nos hommes et mêmes nos enfants, pour se construire une civilization de tours reluisantes, de rues et de trottoirs pavés, balayés et déneigés, de température climatisée, de sorte qu’on n’est jamais obligé de se souiller les semelles (rouges) de nos talons hauts et Oxfords, jamais obligés de sentir un courant d’air frisquet sur notre peau délicate. (On s’entend que c’est le cas seulement des citadins les plus privilégiés de ce monde, car il y a encore bien des ouvriers labourant dans des usines, bien des enfants sans sandales, la misère n’a pas donné de répit à tous.)

Ces constructions glorieuses nous éloignent de la substance glueuse de la vie, nous font oublier nos origines brutales. La distanciation civilisationnelle qu’on pratique depuis plusieurs générations nous a rendus non-résilients. Nous sommes d’une génération aseptisée, de moins en moins en relation avec la nature à son état cru, qu’on nous vend dans un emballage touristique bien frotté et mis au propre, un fond de scène parfait pour nos selfies. 

Que reste-t-il de nos artifices? Bien peu à vrai dire – d’où l’importance de la dignité des corps, l’ultime repère de notre dignité collective.

Comment retrouver notre confort et être bien ? C’est en s’exposant à la vie dans sa laideur comme dans sa beauté qu’on apprendra à la réapprivoiser. Si la pandémie nous oblige à lâcher nos peurs et manies pour non seulement accepter la fatalité qu’est la mort (et déjà là c’est beaucoup demander!) mais aussi de se familiariser avec l’injustice et la brutalité inhérentes à la vie, ce n’est peut-être pas une mauvaise chose. 

Dès le début de cette pandémie, le décorum de nos vies publiques, remplies d’aller-retours, de meetings, de voyages d’affaires ‒ s’envola. Ce qu’on appelle «la vie» s’arrêta. Une fois confinés chez nous, la première chose à tomber fut la mode: les faux cils et faux ongles se sont décollés, les racines grises de nos coiffures ont poussé, nous avons troqué nos vêtements de travail contre pyjamas et coton-ouatés

Sans activités pour nous distraire, nous avons été confrontés à nos époux et enfants, non pas à petites doses entre les grands pans de temps dépensés à s’affairer autrement, mais quotidiennement, en continue ‒ « confrontés » prenant ici tout son sens. Nous avons été confrontés à nous-même aussi, à nos compétences oubliés (quelle remarquable explosion dans le nombre de boulangers-maison!) et aussi à nos lacunes; confrontés à nos espoirs, nos craintes et nos peurs pour l’avenir. Que reste-t-il de nos artifices? Bien peu à vrai dire – d’où l’importance de la dignité des corps, l’ultime repère de notre dignité collective.

L’Entreprise-monde

Cette construction sociale qu’est notre monde moderne, réglé par la « force organisatrice » que le sociologue Andreu Solé nomme « l’Entreprise-monde », et qui pénètre tous les aspects de nos vies:  pourquoi on y tient tellement? En plus des richesses matérielles qu’elle nous procure, c’est parce qu’elle nous protège de nous confronter à nous-mêmes et à la sauvagerie qu’est la nature.

Cette structure que nous avons mis tant de peine à élaborer se place en protection entre nous et le chaos, la décomposition, la brutalité et le mal qu’on cherche désespérément à éviter. Elle nous offre ordre, propreté, maintes protections materielles et techniques; contre la maladie, des hôpitaux stérilisés! Contre la douleur, la pharmaceutique! Contre l’âge, le botox! Contre le chaos de la terre foisonnante, des routes pavées, des édifices miroitants! Contre la putréfaction du corps, des salons funéraires… Sauf que parfois toutes ces protections glissent et ne suffisent plus à masquer les forces chaotiques de la vie et de la mort.

Sommes-nous prêts à confronter notre condition humaine?

Changements climatiques: vers une adaptation profonde

Je suis en réflexion profonde sur l’adaptation profonde.

Un soir de semaine comme les autres

Un soir de semaine comme les autres, ma fille de 13 ans, dans sa récapitulation quotidienne des événements de la journée, fait référence à un document qu’elle lit — un document que le Comité de l’environnement, qu’elle a fondé avec ses collègues de classe, a adopté comme document fondateur.

Je trébuche mentalement sur le titre, ce qui me pousse à interrompre son monologue. Minute, reviens en arrière: « C’est un document sur la Deep adaptation »… Continue reading “Changements climatiques: vers une adaptation profonde”

Urban planning in the era of climate change: A zero-sum game

Model of the future $24.4 million Pierrefonds library, featuring a drive-thru book drop. Image: Design Montréal
Model of the future $24.4 million Pierrefonds library, featuring a drive-thru book drop. Image: Design Montréal

Montreal Gazette columnist Fariha Naqvi-Mohamed recently wrote glowingly about the drive-thru feature of the new Pierrefonds library, a feature that Pierrefonds-Roxboro borough mayor Dimitrios (Jim) Beis lauded during November’s City Council meeting. His speech prompted a spontaneous outburst of laughter from many council members, whom Naqvi repeatedly criticizes in her opinion piece as “out of touch”.

As it’s apparently become increasingly fashionable to reduce every debate to identity politics of the us-versus-them variety, in this case bicycle-riding urbanites versus SUV-dependant suburbanites, I increasingly see the need to focus on what unites rather than continually bringing forth what separates and ultimately divides us.

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Commentary: Agglomeration system in need of thorough overhaul

Justine McIntyre, a former City Councillor, says the Montreal Agglomeration needs an overhaul, top to bottom.

Response to Victor Schukov’s column Montreal’s Agglomeration system is feudal (West Island Gazette, Nov. 22, 2017).

As former city councillor representing the borough of Pierrefonds-Roxboro at the time, I stood with Beaconsfield Mayor Georges Bourelle in voting against the 2017 operating budget; first to express my solidarity with the under-represented demerged municipalities and second to express my dismay with the entire process.

Montreal’s Agglomeration structure is indeed deeply flawed. It is a system that encourages micro-local levels of government (the city’s 19 boroughs plus the island’s 17 demerged municipalities) to operate independently of one another in a highly inefficient and inherently inequitable manner, one that puts the demerged municipalities at a power disadvantage with the City.

Under this fragmented system, political representation is a hodgepodge. Continue reading “Commentary: Agglomeration system in need of thorough overhaul”

Pour ne pas donner une majorité absolue à Denis

En réponse à l’article de P.A. Normandin du 22 septembre:

http://www.lapresse.ca/actualites/montreal/201709/22/01-5135628-coderre-a-la-recherche-dune-majorite-absolue.php

L’objectif annoncé du maire sortant Denis Coderre est de remporter 43 sur 65 sièges au Conseil municipal. Pourquoi ce chiffre précisément? Parce que, avec le deux-tiers des sièges au Conseil, Denis Coderre pourra notamment faire passer des modifications aux pouvoirs des arrondissements, sans avoir à négocier avec les conseillers des autres formations politiques. Une fois ces modifications adoptées par le deux-tiers des voix du conseil municipal, elles deviendraient permanentes, tel que prévu par la Charte de la Ville de Montréal. Continue reading “Pour ne pas donner une majorité absolue à Denis”

Discutons des changements climatiques

Isaac Cordal, "Follow the leaders," Berlin, Germany, April 2011
Isaac Cordal, “Follow the leaders,” Berlin, Germany, April 2011

Vous l’avez vu, cette image de politiciens qui discutent des changements climatiques? Cette image m’a beaucoup marquée quand je l’ai vu pour la première fois, partagée sur Facebook; elle a ressurgie d’un coup quand je me suis retrouvée la semaine dernière en bottes de pluie au milieu d’une rue inondée de mon district, qui ressemblait davantage à une rivière.

Depuis mon élection en 2013, j’ai assisté de mon propre gré à des conférences sur les changements climatiques, sur les infrastructures naturelles et sur la résilience des villes. Les documents produits par les instances municipales, provinciales et fédérales sont bourrés de mots-clés et de mots-clics: changements climatiques, réchauffement planétaire, atténuation, mitigation, résilience, COP21. Mais sommes-nous réellement prêts pour “affronter” les changements climatiques et les incidents extrêmes que ceux-ci entraîneront? Continue reading “Discutons des changements climatiques”

Crisis management: access to information is essential

DeGaulle_inondations
In a crisis, we all need to pull together.

The morning of Wednesday, May 3rd, my phone buzzed at 7:17AM with an early text message. It was from a journalist, asking me if I was aware of the flooding on De Gaulle street in Pierrefonds and whether I’d be available for an interview.

Flooding? It must be bad if he was texting me this early for an interview. And yet, water levels had been high for weeks. Spring floods are nothing new to the west island; low points in roads along the riverfront are often dotted with deep puddles; low-lying parklands become marshes, tree trunks rising from the pooling water.

This was different.  Just getting to the street in question was a challenge as the Pierrefonds / St-Jean central axis of our borough was flooded and cordoned off. When I finally arrived, a man in a boat was rowing slowly along the street. Journalists were standing waist-deep in water, giving live clips to morning news programs. Others were in their cars, trying to warm up before venturing out for another interview. 
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Donald Trump is President. Everything’s Not Okay.

 Credit: National Review
He’s in charge now.

It’s been one month now since Donald J. Trump officially became POTUS.

«How bad can it actually be?» ,we consoled ourselves at the time. Most of what he had said during the election campaign could be put down to inflated campaign rhetoric, not meant to be taken literally, just meant to grab headlines and to rouse voters from their natural state of peevish indifference. Or so we thought.

Well, as we’ve since found out, it actually is that bad. Continue reading “Donald Trump is President. Everything’s Not Okay.”

A Cup of Cardamom Tea

A cup of tea and conversation can go a long way towards building a peaceful society.

Last Sunday, fifteen Montreal mosques opened their doors to visitors. The gesture was both concrete and symbolic, a necessary step in the healing process following the savage shooting at the Centre culturel islamique de Québec mosque on January 29.

Still, I couldn’t help thinking that opening the doors to invite in the wider community takes a great amount of courage. Had my house come under attack, how willingly would I open my door to visitors? The natural and quite understandable tendency in the aftermath of an attack is to withdraw, to close doors, to protect oneself.

To open up to the outside is to surrender oneself to the goodwill of neighbours, to declare one’s vulnerability but also one’s faith that the world is, essentially, a good place and that people are, essentially, good.

Taking off my boots and shaking the snow from my coat, Continue reading “A Cup of Cardamom Tea”